Blanche Mijonnet


IMMERSION
La forêt est un être collectif, aux vivants pluriels et mystérieux.
C’est un terrain de jeu géant, unique et changeant qui nous ancre à une forme de vie primaire, simple et sensible enfouie en nous. Celle que j’ai décidé de côtoyer encore et encore, c’est celle du Col de Porte en Chartreuse à 1200m d’altitude.



Pour dessiner une cabane, il faut redonner place à l’imaginaire.
Être libre comme nous l’étions enfants quand nous en construisions.
Cabanes poilues, cabanes perchées, cachées… Cabane branchage, cabane paysage. S’inspirer des cueilleurs pour leur construire un abri,
constitué de ce qui est là, autour.



Sur la feuille des objets se dessinent. Ces objets cabanes qui forment un tout avec elle. C’est l’invention d’un nouvel art de vivre :
habiter la forêt, c’est l’habiter pleinement.


Des totems de tables, présences qui déclinent les gestes de préparation du cueilleur jusqu’à l’étape de conservation des herbes.

LA CABANE


À L’EST, UN ESPACE À SOI
Plongeant au-dessus de la rivière, le lieu propose des surfaces libres.
Un grand lit offre un point de vue dans les feuillages à hauteur d’oiseau pour rêver, se reposer et lire. Sur le côté au nord, le feu éclaire, chauffe,
cuit et s’accompagne d’une étagère mobile qui utilise la charpente.


À L’OUEST, UN OUTIL DE TRAVAIL
Plus à l’ombre dans les bois, l’espace se dédie à l’activité des cueilleurs.
Des étagères en toile de jute permettent aux herbes de sécher et réceptionnent la récolte.


Complétant le matériel du cueilleur, des outils s’adaptent à la cueillette de proximité. Située au milieu d’un champ de myrtilles et présente dans une zone riche en bolets et en chanterelles, la cabane propose un râteau à myrtille, une faucille et un peigne à herbes pour faciliter le séchage.

LES OBJETS DE L’ART DE VIVRE EN FORÊT


DES OUTILS DE TRAVAIL ET DU QUOTIDIEN
Le quotidien est rythmé par quelques objets qui ramènent aux gestes essentiels. Un miroir accompagne la toilette à la rivière tandis que des pots en hêtre échauffé, tournés à partir d’une souche viennent compléter les gestes du cueilleur dans l’après-cueillette.


UNE TECHNOLOGIE DISCRÈTE
Une lampe légère, rechargeable à l’énergie solaire et en fibre optique crée une lumière légère et tamisée. Seul objet technologique dans la cabane, cette lampe intervient dans l’espace comme une veilleuse
à la présence rassurante.



L’ORGANISME DE LA CABANE


Orientée d’est en ouest, la cabane est un observatoire dans laquelle la lumière exprime l’ambiance des sous-bois au fils des heures et des saisons. Laboratoire d’une vie du peu, elle retournera un jour au sol :
faite de la forêt pour la forêt, elle est une cabane paysage qui sans l’entretien de l’homme est vouée à disparaitre.


Pensée comme une extension du sol, la cabane prend la forme d’une colline en réinterprétant le savoir faire traditionnel et local de la charpente. C’est la répétition de fermes s’accrochant à un arbre qui génère son ossature. L’échelle liée à la charpente semble voler au dessus du manteau de branche et s’étire dans l’épicéa.


Sous les futaies se déploie une existence éternelle,
au plus près de l’humus. On y renoue avec la vérité des clairs de lune, on se soumet à la doctrine des forêts sans renoncer aux bienfaits de la modernité.

Sylvain TessonDans les forêts de Sibérie. 2011, Edition Gallimard (p. 42)

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